La Belle Sauvage – Philip Pullman

Voici un roman que j’ai commandé dès que j’en ai eu connaissance et que j’ai lu sans attendre ! Mes attentes n’ont pas été déçues, ce roman est superbe !

J’ai lu, il y a bien longtemps déjà, la trilogie « A la croisée des mondes » de l’auteur. Les histoires qui s’y déroulent et surtout le monde imaginé, m’avaient fascinée. Un monde uchronique étrange, où chaque personne est dédoublée, accompagnée dès la naissance par un « daemon », un être non pas démoniaque mais une matérialisation externe d’une partie de l’être. Ces daemons prennent la forme d’un animal, une forme variable d’un instant à l’autre durant l’enfance mais qui se fige à l’âge adulte, en un reflet de la personnalité profonde de la personne.

Et si ce thème si original incroyablement bien mis en scène par l’auteur m’avait particulièrement frappée, le reste… n’était pas en reste !

La trilogie initiale, tout comme cette nouvelle trilogie de La Poussière, dont « La Belle Sauvage » est le premier tome, se déroule dans un vingtième siècle bien différent du nôtre. La technologie est assez avancée mais sans électricité, dans une tonalité légèrement steampunk. L’ambiance est plutôt début du siècle, certainement le fruit des souvenirs de l’auteur, né en 1946. J’imagine assez bien comment l’enfance de ses parents a pu l’inspirer.

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Ce nouveau roman, qui se passe alors que Lyra, l’héroïne de la première trilogie, n’est encore qu’un bébé, peut être lu indépendamment de la Trilogie de La Croisée des Mondes. La mise en place des spécificités de ce monde parallèle est très fluide et très claire. Vous pouvez même fort bien lire ce premier tome puis enchaîner sur la première trilogie en attendant la suite !

Le roman est divisé en deux parties égales, chacune avec son rythme propre. La première met en scène le quotidien de Malcolm, un garçon de onze ans. Ce jeune garçon (je ne peux pas parler de petit garçon tant il est mûr et autonome) partage ses journées entre l’école, qui ne lui donne pas grand peine, l’auberge de ses parents, où il aide chaque jour, et son canoë, La Belle Sauvage. Il habite tout près de la rivière et part sans cesse se promener, ou plutôt faire le tour de ses connaissances adultes, donnant un coup de main ici et là, et en particulier chez les Bonnes Soeurs, qu’il adore.

C’est l’histoire d’un autre temps, où les enfants mettent très tôt la main à la pâte et sont responsabilisés très jeunes. Malcolm, brillant et empathique, s’intéresse à tout, excelle dans bien des choses et adore se rendre utile, heureux d’être occupé et de rendre service. Le talent de l’auteur n’en fait pas un petit je-sais-tout agaçant, mais un être courageux, industrieux, affectueux et très attachant. Un enfant très doué mais aussi très terre-à-terre, capable et responsable.

La plus grande partie de l’histoire est centrée sur Malcolm, et le ton de la narration, élégant, direct et précis, s’accorde à la perfection à la personnalité du garçon, un esprit brillant, ouvert et généreux, d’une naïveté éclairée. Tout l’intéresse, rien n’est en dessous de ses préoccupations, ni en dessus d’ailleurs ! Il n’a pas de complexe sur son jeune âge et essaie de comprendre même les sciences les plus avancées, sans penser à ses éventuelles limites. Un esprit curieux et brillant, en toute discrétion.

Cette première partie est lente mais aussi très complexe, avec l’amenée d’informations sur plusieurs groupes ou personnes mystérieuses. J’en ai savouré chaque page, mais elle ne fera peut-être l’affaire des lecteurs qui apprécient les récits simples et directs. Un effort est demandé au lecteur, de patience et de réflexion. Exactement ce que j’adore dans mes lectures…

La deuxième partie est une longue action éprouvante, où Malcolm doit mettre en oeuvre tous ses talents pour sauver le bébé Lyra, accompagné et aidé d’une jeune fille au caractère difficile mais aussi courageuse que lui, Alice.

Cette description sommaire pourrait faire penser à une histoire type Club des Cinq. Si vous n’êtes pas familier avec l’auteur (auquel cas ma précision vous sera inutile) sachez qu’il n’en est rien. Le monde où vit Malcolm n’est pas très tendre, et il va être témoin de scènes cruelles. Pas de luxe de détails insoutenables, grâce au ciel, mais un réalisme brutal.

Cet aspect en particulier m’avait frappée lors de ma lecture de la trilogie de La Croisée des Mondes. Un style brillant, un art de conter incroyable, une superbe inventivité, un rythme souple et addictif, mais une ambiance très sombre. Ce ne sont pas des feel-good books, à la lecture chaleureuse et réconfortante. Ce n’est pas sinistre cependant, car porté par des personnages qui bataillent, se passionnent et prennent les choses en main.

Ce premier roman de la nouvelle Trilogie de la Poussière est une superbe réussite. L’écriture de l’auteur est impeccable, tant sur le plan du style que du rythme, de la voix, de la caractérisation des personnages. Sans nous noyer sous les descriptions Philip Pullman nous immerge dans son monde sans effort, la narration est extrêmement visuelle. La personnalité qui se dégage de ce roman, comme de la première trilogie, est très marquée : vous ne croiserez ni cliché ni stéréotype si fréquemment rencontrés dans les romans jeunesse (Young Adult en particulier) actuels. L’inspiration de l’auteur lui est propre, même si vous retrouverez sans doute des points communs avec d’autres classiques, comme pour se qui se passe dans l’école de Malcolm et le tome 6 des Harry Potter…

En conclusion une excellente lecture, qui ouvre clairement sur une suite (en toutes lettres, même !). Un art narratif assez classique, dans le sens d’intemporel, pour un récit jeunesse d’un certain calibre : la complexité de ses axes en feront une excellente lecture pour des adultes avertis amateurs de belle fantasy mais attention, j’en déconseillerais la lecture à de jeunes lecteurs précoces et sensibles, du moins sans accompagnement. Rien n’est gratuit, aucun acharnement malsain de l’auteur, mais certaines choses sont éprouvantes dans leur exposition sans fard (une mère qui se désintéresse de son bébé, des meurtres brutaux, des humains prédateurs, des morts brutales, un personnage torturé dont la personnalité déchirée donne lieu à des scènes très brutales avec son daemon).

Une petite note tristounette à constater que le personnage le plus effrayant, un savant fou psychopathe, est français, dans une distribution largement cosmopolite… Bon, le glorieux canoë a un nom français, ce qui pourra nous consoler un peu !

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(Aux Editions David Fickling Books – Penguin pour ma superbe version anglaise)

Aux Editions Gallimard pour la version française,  parution le 16 novembre 2017

544 pages – 22 € pour le format papier et 15,99 € pour le format numérique

 

6 réflexions sur “La Belle Sauvage – Philip Pullman

  1. J’ai lu à la Croisée des mondes télément jeune que j’en ai exprimé le besoin de la relire maintenant j’ai lu les 2 premiers tomes et j’attends un petit peu avant de continuer, mais ton avis sur cette nouvelle saga me donne envie d’accélérer le mouvement 😁 merci pour ton partage 💛

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    1. helenelouisechimere

      Je l’ai lu il y a longtemps déjà, mais j’ai déjà bien adulte 😛 😀 Je n’ai pas eu envie de la relire avant, sans doute parce que je suis chochote et que je l’ai trouvée assez triste cette trilogie. Envoûtante mais plutôt sombre. Bonne lecture, dis-moi signe si je rate ton avis 🙂

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