Ce roman remarquable (et je pèse mes mots) vient de paraître aux éditions Nathan. Voici quelques arguments pour vous poussez à lire – pour les bonnes raisons.
Tout d’abord si votre unique expérience de l’auteur se réduit (comme moi) à son succès français « La Faucheuse » parue chez CollectionR, ne vous attendez pas à retrouver le même type de lecture YA. Cela n’a rien à voir, ni dans les thèmes, ni dans l’ambiance, ni surtout dans l’intention.
Comme l’auteur l’explique dans la postface ce livre, qui traite de la maladie mentale chez l’adolescent, est largement autobiographique. Ce que vit le personnage et ses proches est très largement inspiré de la maladie du fils de l’auteur, désormais adulte et en bonne santé. D’ailleurs les dessins qui agrémentent le livre, sont de lui.
Je suis toujours à la recherche de romans traitant de la différence et se faisant l’apôtre de la tolérance vis-à-vis de celle-ci, quelle que soit sa nature : origines, orientation sexuelle, handicap, maladie, personnalités atypiques, etc. Cependant je suis toujours méfiante quand à l’information donnée ; si l’auteur(e) n’est pas directement concerné(e) par le sujet, des erreurs sont possibles, même avec la meilleure volonté du monde ! Je pense par un exemple au superbe et si émouvant « Je t’ai rêvé » de Francesca Zappia, que j’ai adoré mais qui renvoie une idée faussée de la schizophrénie juvénile. Bien pire encore sont les romans qui instrumentalisent une différence pour écrire un roman « à touches », qui appuiera sur les bons boutons du lecteur, l’émouvant sans aucun doute mais sans aucun souci du réalisme et dans un immense dédain des personnes réellement concernées.
Avec ce roman passionnant, fascinant et émouvant, mes attentes ont été comblées ! L’auteur a en effet puisé dans son expérience personnelle pour écrire cette histoire originale et divertissante malgré son fond si sérieux, pour nous ouvrir à la maladie mentale, en particulier chez l’adolescent.
Le roman s’articule en une double narration. D’une part nous suivons la vie quotidienne de Caden, 15 ans, alors que ce garçon brillant et sans problème, sociable et bien dans sa peau, sombre peu à peu dans la maladie. Parallèlement une histoire étrange et inquiétante nous est contée, un conte onirique à la limite de l’absurde, une quête en mer sur un vaisseau dominée par les deux personnages phares du roman, le capitaine et le perroquet.
La partie dans le monde réel durant la première moitié du livre est terrible, poignante. Âmes sensibles ne vous abstenez pas, ce n’est pas un roman pessimiste mais au contraire porteur d’espoir ! L’histoire onirique qui double la vie réelle est brillamment écrite, dans une ambiance qui rappellera les Peggie Sue de Serge Brussolo, Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll ou peut-être plus encore ces rêves absurdes qu’on essaie de raconter au réveil, encore nourri de la conviction de leur logique parfaite.
Un des grands attraits de ce roman magistral est l’exercice de devinettes auquel le lecteur va s’adonner, à faire coïncider peu à peu les deux récits, à rechercher les symboles, à comprendre, intuitivement, les pensées errantes de Caden. Ce livre d’une fausse simplicité est formidablement bien écrit.
Nous suivons enfin la guérison de Caden, les difficiles étapes du traitement, les souffrances qu’il engendre, les immenses difficultés. Il est impossible de ne pas s’attacher à Caden, d’admirer son courage et son intelligence, sa culture et sa curiosité, sa persévérance, ses efforts à se raccrocher du bouts des doigts au réel, et surtout son amour pour sa famille, pudiquement révélé par son regard si lucide. Comme il le dit lui-même, la maladie mentale est une épreuve autant pour le malade que pour ses proches…
Un roman très fort et presque brutal mais aussi distrayant et parfois même drôle, qui réussit le tour de force d’informer sans réserve, sans rien édulcorer, tout en étant formidablement positif. Un roman incontournable pour tous ceux qui veulent mieux comprendre une maladie effrayante. Un espoir de nous montrer plus tolérants et plus ouverts !
Paru chez Nathan le 30 août 2018
408 pages – 16,95 €