Je relis petit à petit avec plaisir en VO les Agatha Christie que j’avais collectionné pendant mes années d’étudiante, mais à ma grande surprise mes impressions sont aujourd’hui très variées selon les titres. J’apprécie toujours autant l’habilité de l’intrigue, et la lecture est toujours un plaisir, mais la caractérisation des personnages – un point fort de l’autrice – n’est pas toujours du même niveau.
Ce roman est clairement l’un des meilleurs de ce côté-là. L’ambiance d’un petit village est particulièrement bien rendu, et j’ai adoré l’exposition externe de Miss Marple via le narrateur, qui est très sensible à son impitoyable intelligence et ne la sous-estime jamais (« elle a l’habitude d’avoir toujours raison, et c’est ce que les gens ne lui pardonnent pas »).
La narration est superbe. C’est Len Clement, le pasteur, qui raconte. C’est un homme complexe, qui accomplit son devoir avec beaucoup de conscience professionnelle et d’empathie, mais peut-être une foi défaillante, voire absente (rien n’est dit en ce sens, c’est une impression personnelle). Il porte un regard désabusé sur ses semblables mais vole toujours à leur aide, autant par devoir que par bonté… et aussi par curiosité. Il a un extraordinaire sens de l’humour, le fameux « dry humor » anglais, qui ne s’épargne pas, puisqu’il est régulièrement teinté d’auto-dérision. S’il se décrit volontiers comme un homme quelconque, un peu fade, le lecteur ne manque pas d’apprécier son esprit vif et organisé et d’être touché par ses faiblesses, dont la principale est sa très jeune, très belle et très originale épouse, Griselda. On retrouve ce couple dans d’autres (au moins un) romans de l’autrice, et leur relation est très intéressante, touchante et pudique sous la très british décontraction.
Un incontournable Agathie Christie !